Dix ans de Karaté. Il avait fait dix ans de
Karaté pour être obligé à en arriver là : soit se défendre. A la base,
Alexandre Vukov détestait la violence. C’était pour lui l’apanage de ceux qui,
ne pouvant plus s’exprimer avec des mots, avaient comme seul recours les
poings. Et il en était arrivé là. Non parce qu’il ne savait pas s’exprimer,
mais par amitié. Par amitié pour Pierre Stepanov ; son compagnon de
toujours, son ami d’enfance. Sauf qu’à la différence de celui-ci, il ne faisait
que fumer des cigarettes, et non « chasser le dragon ».
Et c’était justement à cause des petits
plaisirs artificiels de Pierre qu’Alexandre s’était retrouvé avec les mains
ensanglantées. Non de son sang, mais de celui des dealers que Pierre avait
accosté. Malheureusement, ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait
dans un tel pétrin. C’était même devenu chose quotidienne.
En tabassant les dealers tout en leur prenant
drogues et argent, on avait même fini par miser leurs têtes. Malgré le fait
qu’ils étaient armés, les dealers n’avaient jamais le temps de prendre leur
arme dû à la rapidité extraordinaire de Vukov. A peine prenaient ils leur arme qu’un
coup de poing d’une violence faramineuse les mettait K.O. On avait même fini
par les surnommer « les diables de la nuit ». En effet : comment
faisaient-ils pour attaquer le milieu : aussi bien russe, chinois,
qu’Italien sans aucune arme. Cela effrayait encore plus ces hommes car ils se demandaient ce que
ce serait s’ils avaient été armés.
Alexandre continuait à s’acharner sur un
italien jusqu’à ce que Pierre le prenne par dessus les aisselles pour le faire
reculer : « arrête, il faut pas qu’on en tue, sinon, la police s’en
mêlera ».
Vukov avait du mal à calmer sa respiration.
Tous les clients du bar étaient partis en courant ; même le gérant. La
lampe du dessus se balançait dans tous les sens ; faisant jouer l’ombre et
la lumière.
Alexandre s’assit vers le rebord du bar et
regarda par terre les cinq mafieux allongés, inconscients.
« Pour ta peine, sers moi un black
Johnny Walker »
-Oui chef ! »
Pierre chercha parmi les bouteilles la
susdite bouteille en question et trouva les verres. En se retournant, il vit
qu’Alexandre n’en avait pas vraiment besoin.
« Prends un verre putain, ça ressemble à
quoi ?
-Quoi ?! T’as peur que ça soit pas
hygiénique pour la clientèle ? Et puis, je te signale que vu la vie qu’on
mène, les endroits raffinés, c’est plus trop approprié »
Alexandre avait raison, pierre le savait
tristement bien. A continuer dans cette voie, ils n’allaient pas faire de vieux
os. Ils avait raté tous les deux le coche du rêve américain. Mais qu’est-ce qui
les avait fait tomber ? Comment en étaient-ils arrivés là ?